Réorganisez votre classe !

Avant de parler de l’aménagement d’une classe basée sur l’autonomie des enfants, et qui reprendrait le matériel didactique pensé par Maria Montessori, il nous semble important de replanter le décor des environnements que Maria Montessori avaient réellement pensés pour des enfants âgés de 3 à 6 ans. Voici une longue description qu’elle donne elle-même dans un de ses premiers livres destinés au continent américain.

« Ce genre d’écoles n’est pas d’un type figé »

… martelait-elle. « Leur organisation peut varier selon les ressources financières à disposition et les possibilités offertes par l’environnement. Elles devraient être de vraies maisons ; c’est à dire, un ensemble de pièces avec un jardin, duquel les enfants sont responsables. Un jardin possédant un abri est idéal, ainsi les enfants peuvent jouer et dormir en dessous, et peuvent également apporter leurs tables dehors pour travailler et déjeuner. De cette façon, ils peuvent vivre presque entièrement à l’air libre, et sont protégés dans le même temps de la pluie et du soleil.

Sur la terrasse d'une maison d'enfants à Sèvres, France.

Sur la terrasse d’une maison d’enfants à Sèvres, France.

Jardin d’une maison d’enfants à Sèvres, France.

Jardin d'une maison d'enfants à Sèvres, France.

Jardin d’une maison d’enfants à Sèvres, France.

La pièce centrale et principale du bâtiment, souvent également la seule pièce à disposition pour les enfants, est la pièce pour le “travail intellectuel”. À cette pièce centrale peuvent être ajoutées d’autres pièces plus petites selon les possibilités et opportunités du lieu : par exemple, une salle de bain, une salle à manger, un petit salon ou une pièce commune ; une pièce pour le travail manuel, un gymnase et une salle de repos. La caractéristique particulière de l’équipement de ces maisons est qu’elles sont adaptées pour les enfants et non pas pour les adultes. (..) Les meubles sont légers pour que les enfants puissent les déplacer au besoin, et peints de couleur claire pour inciter les enfants à les laver avec de l’eau et du savon. Il y a des petites tables de différentes tailles et formes – carrées, rectangulaires et rondes, larges et étroites. La forme rectangulaire est la plus commune, ainsi, deux ou plus d’enfants peuvent y travailler ensemble. Les sièges sont de petites chaises en bois, mais il y a aussi des petits fauteuils en osier et des canapés. 

Dans cette salle de travail, il y a deux meubles indispensables. L’un deux est un très grand placard avec de grandes portes. Il est très bas pour que les petits puissent placer dessus des petits objets tels que des fleurs, des napperons, etc. A l’intérieur de ce placard est installé le matériel didactique qui est la propriété commune de tous les enfants. L’autre meuble indispensable est une commode contenant deux ou trois rangées de petits tiroirs, dont chacune possède une poignée claire (ou une poignée dont la couleur contraste avec l’arrière-plan), et une petite carte avec un nom dessus. Chaque enfant possède ainsi son propre tiroir, dans lequel il peut mettre les choses lui appartenant. Autour des murs de la pièce sont fixés à un niveau assez bas des tableaux noirs, de sorte que les enfants puissent y écrire ou y dessiner, ainsi que des photographies agréables, qui seront changées de temps en temps selon les circonstances. (…) Les plantes ornementales et plantes à fleurs doivent toujours être placées dans la salle où les enfants sont à l’œuvre. Une autre caractéristique de la pièce de travail sont les petits tapis de différentes couleurs – rouge, bleu, rose, vert et marron. Les enfants les déroulent sur le sol, s’y assoient et y travaillent avec le matériel didactique. Une salle de ce genre est plus grande que les salles de classes traditionnelles, non seulement parce que les petites tables et les chaises séparées occupent plus d’espace, mais aussi parce qu’une grande partie de l’espace au sol doit être disponible pour permettre aux enfants de répartir leurs tapis pour travailler dessus.

Salle de travail dans une Maison des enfants en Australie, 1913.

Dans le salon, où les enfants se divertissent par la conversation, les jeux, ou la musique, le mobilier doit être particulièrement soigné. (..) Et surtout, chaque enfant devrait avoir un petit de pot de fleurs, dans lequel il peut semer les graines de certaines plantes d’intérieur, afin d’essayer de les cultiver à mesure qu’elles grandissent. Sur les tables de ce salon devraient être placés de grands albums d’images colorées, ainsi que des jeux de patience, ou différents solides géométriques, avec lesquels les enfants puissent jouer en construisant des figures, etc. Un piano, ou, mieux, plusieurs instruments de musique, éventuellement des harpes de petites dimensions, conçues spécialement pour les enfants, complètent l’ameublement. Dans ce salon de jeux, l’enseignant peut parfois divertir les enfants avec des histoires, ce qui attirera un cercle d’auditeurs intéressés. Dans la salle à manger, il y a, en plus des tables, des placards bas accessibles à tous les enfants, qui peuvent eux-mêmes ranger et prendre la vaisselle, les cuillères, les couteaux et les fourchettes, les nappes et les serviettes de table. Les assiettes sont toujours en porcelaine, et les gobelets et les bouteilles d’eau, en verre. Les couteaux sont toujours inclus dans l’équipement de la table. 

(…) Bientôt, là où la fabrication de jouets a été amenée à un tel point de complication et de perfection que les enfants ont à leur disposition des maisons de poupées complètes, des armoires entières pour l’habillage et le déshabillage de poupées, des cuisines où ils peuvent faire semblant de cuisiner, des jouets en forme d’animaux aussi réalistes que possible, cette méthode cherche à donner tout cela à l’enfant réellement – le rendant acteur au sein d’une scène vivante. »

Sur la terrasse d'une maison d'enfants à Sèvres, France.

Sur la terrasse d’une maison d’enfants à Sèvres, France.

Retenons donc ceci.

Le véritable propos de Maria Montessori n’est pas d’ouvrir des classes ou des écoles, mais de penser des maisons permettant à des enfants d’âges différents de vivre libres et en responsabilité au sein d’un environnement qui leur appartient et qui leur est adapté. 

Pourquoi tant d’autonomie ?

Parce que le jeune être humain forme son intelligence grâce à sa grande plasticité cérébrale, qui est nourrie par sa perception, son exploration sensorielle et ses expériences actives dans le milieu. Par conséquent, si nous souhaitons l’aider à épanouir pleinement son intelligence, nous devons lui permettre d’être autonome en compagnie d’enfants plus jeunes et plus âgés (desquels il apprendra sans efforts), et lui offrir le monde : il multipliera ainsi ses expériences sociales, culturelles, et avec la nature qui l’entoure

Par ailleurs, Maria Montessori proposait d’accompagner l’enfant dans son exploration du monde par du matériel sensoriel permettant de raffiner les sens (discrimination tactile, visuelle, auditive, gustative, olfactive) et d’offrir une meilleure lecture du monde en isolant les concepts fondamentaux (le nom des couleurs, le découpage du monde en continents, pays, etc ; le code de lecture – lien phonème/graphème, le code mathématiques – la base 10, le code de la musique – écriture et lecture de partition, etc). Elle proposait ainsi ce matériel sensoriel pour tous les domaines d’apprentissages : lecture, écriture, mathématiques, géographie, géométrie plane et en volume, musique, botanique, etc.

Et, pour que son exploration du monde soit optimale, pour que l’enfant devienne rapidement autonome et développe une solide capacité à faire les choses de façon ordonnée et logique, Maria Montessori met un point d’honneur à ce que l’environnement soit particulièrement ordonné et logiquement organisé.

Comment faire dans une classe ?

Si votre souhait (c’est en tous cas le nôtre) est de tendre vers de telles conditions qui permettent la liberté, l’autonomie et la sociabilité, il vous faudra composer avec les contraintes qui sont celles de l’école publique, et qui seront d’ailleurs sensiblement différentes d’une classe à l’autre car elles sont dictées par l’environnement architectural, par l’environnement humain (vos collègues, votre ATSEM), et par les finances dont vous disposez. Nous ne prétendons donc pas avoir de réponse toute faite à vous donner. Nous nous proposons simplement de partager avec vous les grands axes d’aménagement qui nous semblent pertinents. Libre à vous ensuite d’expérimenter pour trouver l’aménagement qui vous semble le plus adapté à vos possibilités. Voici les paramètres qui nous semblent importants à prendre en compte pour la réorganisation de votre classe.

#1 L’ordre

Le paramètre de l’ordre est le paramètre qui, à notre sens, devrait vous guider dans toutes les décisions que vous prendrez concernant l’organisation de votre classe : cette organisation est-elle ordonnée et logique ? Offre-t-elle des repères clairs ? Invite-t-elle à l’ordre ? En effet, les enfants sont très jeunes lorsqu’ils entrent dans un tel environnement et doivent y être autonomes… ils ont par conséquent besoin de repères clairs pour s’orienter et être indépendants dans ce nouvel espace. L’aménagement global de votre classe doit par conséquent être très ordonné, et ce à tous les niveaux : l’aménagement de la classe, l’organisation des étagères, l’organisation interne des plateaux et même vos présentations. Plus l’environnement que vous proposerez sera ordonné, plus l’enfant saura rapidement s’orienter, mener à bien des activités avec calme, en prendre soin et les ranger.

Vous constaterez d’ailleurs avec étonnement l’intérêt particulier que les enfants trouvent à cet ordre des choses. Il semblerait que cet ordre extérieur leur permette de se structurer à l’intérieur. Ranger le matériel à sa place exacte, ranger le plateau avec la plus grande exactitude, reproduire avec une précision surprenante les gestes donnés par l’adulte lors des présentations, génèrent chez eux un grand intérêt et une concentration étonnante. L’ordre facilite en effet non seulement leur orientation, mais il favorise également le développement de la pensée logique et des compétences exécutives : ils mémorisent les liens entre les objets et leurs emplacements, entre les objets et les actions à effectuer ; ils planifient leurs actions pour que l’ordre ne soit pas altéré, et, en cas de désordre, ils doivent réorganiser leurs actions pour que « tout rentre dans l’ordre. »

Ainsi, afin que les enfants s’orientent rapidement, nous vous invitons à commencer par organiser cinq aires distinctes dans votre classe : une aire pour les activités pratiques, une aire pour les activités sensorielles, une autre pour les mathématiques, une autre pour le langage et enfin une dernière pour les activités plastiques. N’hésitez pas à changer plusieurs fois la disposition de la classe – même en cours d’année – jusqu’à trouver celle qui sera la plus logique et la plus ordonnée. A Gennevilliers, la première année, nous avons déplacé plus d’une dizaine de fois les meubles le soir après la classe, jusqu’à trouver l’organisation qui nous a semblé la plus pertinente. Pour information : la salle de classe possède une surface d’environ 55 m2.

Le rangement des étagères doit également donner des repères clairs aux enfants. Maria Montessori proposait d’organiser de gauche à droite les étagères en suivant un niveau croissant de difficulté. La première activité est placée à gauche et les suivantes sont placées à sa droite. Lorsqu’il n’y a plus de place sur l’étagère, on recommence sur l’étagère du dessous en commençant à nouveau à gauche. Il s’agit en fait de suivre le code de l’écriture : nous écrivons de gauche à droite, et une fois arrivés à la ligne, nous continuons sur la ligne du dessous, toujours de gauche à droite. La place de chaque activité est donc pleine de sens, elle doit être respectée. cette organisation permet aux enfants de se repérer dans leur progression et dans le rangement des activités. Le rangement interne des plateaux doit également permettre rapidement aux enfants de se repérer. En un coup d’oeil, l’enfant doit percevoir ce qu’il doit faire avec l’activité : il ne doit y avoir sur le plateau que l’essentiel – le superflu invite rapidement au désordre et à la casse.

#2 L’ameublement

Si notre volonté est de rendre les enfants autonomes dans la classe, nous devons faire en sorte qu’ils puissent facilement accéder à toutes les étagères, placards ou patères, sans aide de l’adulte. La hauteur maximale d’une étagère devrait se situer à notre sens aux alentours de 70 cm. Nous avons utilisé des meubles Ikea ouverts (qui ne sont plus disponibles), mais de longs placards bas fermés pourraient aussi tout à fait convenir comme le disait Maria Montessori dans sa description. Il peut également s’agir de longues étagères posées au mur sur mesure. Par ailleurs, le mobilier doit être propre, bien rangé, beau et en bon état. Nous attirons à nouveau votre attention sur ce point car les enfants prennent bien plus soin du mobilier s’il est propre, bien rangé, beau et en bon état.

Dans l’idéal, nous vous invitons à choisir des tables et des chaises légères, faciles à manier et antidérapantes. Nous vous conseillons de prendre des tables individuelles ou doubles. Il est possible d’installer deux tables individuelles l’une en face de l’autre, ou l’une à côté de l’autre. Veillez par ailleurs à installer moins de tables que d’enfants pour laisser de l’espace, et permettre ainsi aux enfants de s’installer au sol sur des tapis. Pour 27 enfants, nous avions installé une dizaine de tables et une dizaine de tapis. En effet, des places étaient aussi disponibles en bibliothèque, aux activités plastiques ; certains enfants observaient leurs camarades au travail, d’autres faisaient des activités à deux. Mais, encore une fois ce qui fut juste pour nous ne l’est peut-être pas pour vous, à vous d’essayer de votre côté.

Un tabouret pour chaque adulte. S’il est important que les enfants soient à l’aise et autonomes dans cet espace, cela est également vrai pour les deux adultes qui veillent à leur épanouissement. L’enseignant et l’ATSEM disposent chacun d’un tabouret rembouré ou d’une petite chaise avec un petit coussin, qui se distingue clairement des chaises des enfants tout en leur permettant d’être à leur hauteur. Lorsque l’enseignant fait une présentation sur un tapis, il s’assoit par terre à côté de l’enfant. Mais, lorsque la présentation a lieu à une table, il est intéressant d’avoir un petit siège adapté à notre taille pour notre confort. A Gennevilliers, les enfants allaient volontiers chercher mon tabouret pour que je leur présente une activité et me l’installaient à côté d’eux.

Pensez à la chaise d’observation. Certains enfants prennent le temps d’observer la classe avant de prendre une activité. La plupart du temps, ils marchent dans la classe et observent leurs camarades. Vous pouvez aussi inviter les plus agités à s’asseoir sur une jolie chaise en bois – que nous avions peinte en jaune vif et placé à un endroit stratégique où ils pouvaient observer de nombreuses choses.

Le matériel didactique est sensoriel. Il permet d’aider l’enfant dans son exploration du monde en raffinant ses sens et en isolant différents concepts. Il lui offre une meilleure lecture du monde (couleurs, tailles, et code culturels comme la géographie, la musique, le langage, etc.) Le matériel sensoriel est donc utilisé pour tous les domaines d’apprentissage de la classe : langage, mathématiques, géographie, géométrie, écriture, musique, etc. Il est regroupé dans les aires que nous avons citées plus haut : aire du langage, aire des mathématiques, aire sensorielle.

Des activités pratiques doivent être proposées par plateau pour préparer les gestes de l’autonomie au sein de l’environnement. Par exemple, la corbeille des pinces à linge prépare la capacité de l’enfant à étendre le linge qu’il a lavé, en isolant la difficulté d’ouvrir et de fermer la pince. Ces activités sont regroupées au sein de l’aire pratique. Voir l’article correspondant.

Du matériel pratique doit être également à disposition des enfants au sein de l’aire pratique. Ce matériel permet aux enfants de prendre soin de leur environnement, de le ranger et de le nettoyer. Brosse à tapis, balai, pelle et balayette, sceau avec serpillère, petit lavoir, étendoir, etc. Nous posterons cette semaine un article avec tout le matériel que nous mettions à disposition des enfants.

Un chevalet individuel de peinture est à disposition des enfants. Nous avions trouvé celui de la classe chez Ikea. Nous vous invitons pour commencer à proposer une seule couleur de peinture dans un petit pot, avec un pinceau et une éponge pour nettoyer le chevalet. Cette activité nécessite également une présentation individuelle : il faut montrer comment tenir le pinceau, où ranger sa peinture pour qu’elle sèche et comment nettoyer ensuite le chevalet. Nous ne proposions pas tout de suite cette activité aux petits. Nous attendions qu’ils soient un minimum autonomes. Vidéo à venir.

Veillez à proposer un beau coin bibliothèque. Il s’agit d’un des points névralgiques de la classe. C’est ici que les enfants vont se donner mutuellement envie de lire, vont développer de nombreux liens, rire et discuter. Les enfants sont par ailleurs dans une période sensible où la richesse du langage demande à se préciser à grande vitesse : ils veulent connaître de nombreux mots et cet espace doit leur offrir ce vocabulaire. Il peut se situer dans l’aire du langage, mais peut également être un espace bien séparé des autres. Veillez à ce que ce coin lecture soit lumineux, spacieux, confortable et invite à l’ordre et au calme. Les livres doivent être régulièrement changés en prenant soin de veiller au niveau de lecture qu’ils requièrent. Il doit y avoir un nombre de livres suffisant pour attirer la curiosité des enfants, mais la quantité ne doit pas être trop importante, afin de ne pas inviter au désordre.

Un tableau ligné. Certaines choses ne vieillissent pas. Pensez à installer un petit tableau ligné. Nul besoin d’un grand tableau qui vous ferait perdre beaucoup de place. Nous l’utilisions pour les activités en regroupement, pour l’écriture de la date (en cursive) le matin, ou pour transmettre des informations par écrit à tout moment de la journée.

Une ellipse. Nous vous invitons à tracer une ellipse au sol, qui vous servira éventuellement de lieu de regroupement. Vous trouverez ici une vidéo qui explique très bien comment tracer une ellipse. Il vous suffit ensuite de reproduire cette façon de faire avec une longue ficelle, une craie et deux clous que vous planterez légèrement au sol. Repassez ensuite sur votre tracé à la craie avec du ruban adhésif de couleur.

Des tapis. Pour 27 enfants, nous avions une dizaine de tapis. Nous vous invitons à les choisir un peu rigides pour que les enfants puissent vérifier qu’ils sont correctement roulés en les faisant tenir debout. Pensez à les choisir d’une longueur minimum d’un mètre, pour que les enfants puissent poser les barres rouges et les barres numériques dessus sans qu’elles ne dépassent.

Pour le coin Géographie, nous avions affiché un planisphère où les enfants pouvaient lire le nom des pays. Nous mettions également des punaises de couleurs (lors des regroupements) sur les endroits où les enfants voyageaient couramment avec leurs parents. Les enfants appréciaient beaucoup.

Une frise numérique murale. Nous en reparlerons lorsque nous aborderons les mathématiques et nous vous donnerons un exemplaire pdf. La frise fait le tour de la classe, de 1 à plus de 200. Elle passionne véritablement les enfants qui s’entraînent entre eux à compter – en faisant correspondre bien évidemment la comptine numérique et les cases des nombres. Lorsque les enfants se sentent prêts, ils demandent à l’enseignant de compter sous son contrôle. L’enseignant place alors la photo là où l’enfant s’est arrêté. Cette activité permet à l’enseignant de savoir – sans passer par une évaluation formelle – où chaque enfant se situe dans l’apprentissage de la comptine numérique. Et de façon assez surprenante, elle catalyse également la motivation des enfants qui veulent déjà aller plus loin le jour suivant…

Les tiroirs personnels. Maria Montessori le précise elle-même ci-dessus : un meuble offrant un petit tiroir par enfant est important pour qu’ils puissent y laisser leurs productions. Je me permets ici de nuancer son propos : ce meuble est très important, mais pas indispensable si l’on ne dispose pas de l’espace nécessaire : nous n’en avions pas à Gennevilliers, faute d’espace. Les enfants déposaient leurs productions dans une banette en plastique commune, en y collant leurs prénoms (pour les petits) ou en y écrivant leurs noms (moyens et grands). Anna s’occupait de les trier lors du regroupement avant la sortie des classes : les productions marquantes étaient mises de coté pour être collées dans les cahiers, les autres étaient données aux enfants. La plupart rentraient ainsi les mains pleines chaque soir.

Une étagère de rangement. Je n’ai pas pensé à filmer cette étagère et je le regrette maintenant… Vous pouvez l’entrevoir sur la vidéo dans l’aire du langage. Il s’agit d’un meuble jaune à étagères sur lequel était installé du matériel pour la vie quotidienne de la classe. De mémoire, nous avions, sur une étagère : un pot avec 5 ou 6 crayons à papier (pour que les enfants puissent écrire dans leur cahier d’écriture), un pot avec 5 ou 6 gommes, 2 tailles-crayons, 2 rouleaux de scotchs (pour les étiquette de lecture), un pot avec 3 ou 4 paires de ciseaux. Sur une autre étagère de ce meuble se trouvaient une pile de cahiers d’écriture pour les moyens et les grands, et une pile de cahier d’écriture pour les petits – que nous donnions dès que les enfants essayaient de tracer spontanément au crayon les lettres rugueuses.

Deux réserves dans la classe. Une pour les enfants dans le coin des activités pratiques : elle doit être ordonnée et réapprovisionnée dès qu’il le faut (l’ATSEM doit y veiller). Elle contient de : des petits chiffons propres (pour changer les chiffons des activités comme astiquer les cuivres, nettoyer un miroir), des serviettes éponges propres et sèches (pour toutes les activités avec de l’eau comme presser l’éponge, s’occuper des plantes), du fil à coudre, des canevas pour coudre, un chiffon pour faire la poussière, une brosse pour brosser les tapis, du coton pour nettoyer le miroir ou astiquer les cuivres. Une autre réserve est à hauteur d’adulte, et gérée par l’ATSEM : elle permet de renouveler rapidement le matériel listé ci-dessus, avec également les produits nettoyant à verser en petites quantités dans les flacons des plateaux d’activités pratiques. Elle permet également de réapprovisionner rapidement les activités qui le nécessitent. Nous avions également un taille-crayon électrique pour tailler les crayons en fin de journée.

Un point d’eau. Il est fondamental qu’un point d’eau soit directement accessible depuis la classe pour que les enfants puissent prendre et vider l’eau nécessaire aux activités pratiques. Nous vous invitons également vivement à proposer un petit seau avec une petite serpillière, pour que les enfants puissent ramasser eux-mêmes l’eau qu’ils renversent. Ils déposent la serpillière au sol, l’essorent dans le seau et vident le seau dans l’évier. Les grands montrent facilement cela aux petits – et vous verrez comme cela vous sera d’une grande aide en début d’année si vous ne souhaitez pas que votre salle de classe se transforme en piscine.

#3 La décoration

Afin de favoriser le développement de l’attention et les apprentissages, la sobriété de la décoration est de mise. Une étude récente de l’Université de Carnegie-Mellon de Pittsburgh le confirme : les salles de classe trop décorées seraient source de distraction. A l’inverse, avec peu de décorations aux murs de la classe, les enfants seraient moins distraits, passeraient plus de temps sur leurs activités, et apprendraient davantage.

Selon les chercheurs, il est important que les enseignants optimisent au maximum le design de leur classe afin de trouver un juste milieu entre le trop-plein et l’absence de décorations dans les salles de classe dans le but de conserver l’attention des plus jeunes.

Les plantes vertes sont un bel atout décoration. Elles amènent une certaine sérénité et les enfants adorent s’en occuper. Leurs pots apportent des touches colorées et permettent d’égayer la salle sobrement. Nous attirons votre attention également sur la lumière naturelle. La lumière naturelle est essentielle pour un apprentissage facilité, pour la concentration et les comportements plus apaisés -la lumière électrique a tendance à exciter notre système nerveux. Essayez d’utiliser de façon optimale la lumière naturelle : veillez à dégager les espaces lumineux de la classe de tout mobilier afin de permettre que la lumière naturelle inonde la salle et que les enfants puissent s’installer dans de telles zones pour travailler.

Chaque fin de journée, voire, chaque midi, la classe doit être ordonnée, dans l’idéal par l’ATSEM – qui sera aidée dans les premiers temps par l’enseignant. Le matériel doit être rangé et nettoyé très régulièrement. 

Puis-je conserver des coins ? 

En 1907, à San Lorenzo dans sa première maison des enfants, en plus des différentes salles – salle de travail, salle de bain, salle à manger, un petit salon, une salle de musique, une pièce pour le travail manuel, un gymnase, une salle de repos, etc. – mises à disposition des enfants dans la maison, Maria Montessori avait également proposé jouets aux enfants – poupées, dînette, garage, etc. Mais, face à la possibilité de pouvoir agir eux-mêmes, “pour de vrai”, dans un environnement qui leur appartient, avec de vrais objets à utiliser, un jardin à s’occuper, des enfants plus jeunes qu’ils peuvent accompagner, guider et consoler ; les enfants ont rapidement laisser les jouets de côté. Ces objets ont par conséquent été retirés de l’offre pédagogique.

Dans ce cadre, il était facile de proposer aux enfants des activités demandant différents niveaux sonores – jeux de constructions, jeux de société, bibliothèque, musique, jardinage, activités manuelles, élevage d’animaux, etc. – puisqu’il y avait plusieurs espaces à disposition. Dans le cadre d’une salle de classe, ces espaces, faute de place, se transforment en coins – coin cuisine, coin constructions, coin botanique, coin musique, coin bibliothèque, coin jeux de société, coin phasmes et fourmis, coins conversations, etc. Il devient alors extrêmement difficile de faire cohabiter ces différents coins au sein d’un seul et même espace. L’espace manque et cela crée de fortes nuisances sonores. Bien évidemment, il serait très intéressant de proposer cette grande variété d’activités, mais le souci, vous l’aurez compris, c’est que l’espace de la salle de classe nous contraint. Nous pensons que proposer des plateaux peut être une piste pour cadrer ce genre d’activités, mais à vous de faire votre propre expérience avec cela. Il vous appartient de faire des choix qui vous semblent les plus justes avec les contraintes, les possibilités et les envies que vous avez. Pour certains, la musique devra avoir une place privilégiée, pour d’autres ce sera la botanique, etc. Vous pouvez même mettre des jouets à disposition des enfants : si cela vous semble important, ça l’est. Faites vos propres choix en fonction de votre propre expérience, de vos souhaits et des informations que vous possédez. 


Pour aller plus loin

Les salles de classe trop décorées seraient source de distractions, article HuffingtonPost.
– Les photos extraites du livre en édition limité de la NAMTA, A Montessori Album.

  1. Bizet a dit:

    Bonjour, je viens de visualiser vos vidéos et je vous remercie car j’ai un ce2 et je me demande comment mettre en place ces ateliers en ce2! Cela me passionne car je pense depuis très longtemps qu’il n’y a pas d’enfants fainéants comme on l’entend souvent mais des enfants qui ne sont pas motivés car les situations proposées sont trop loin de leur préoccupation!
    Je suis allée voir le film Demain( je le recommande à tous) et à la suite de cela j’ai acheté le livre d’André Stern sur histoire d’une enfance heureuse: j’avoue que lorsque je suis revenue dans ma classe j’ai été et je suis toujours un peu pertubée!!! Mais cela me passionne car je pense que nous avons une responsabilité énorme . au quotidien dans ma classe , j’essaie de trouver des solutions pour que les enfants s’épanouissent et soient heureux de venir en classe et je souhaiterai pouvoir échanger avec d’autres enseignants , éducateurs sur l’école élémentaire;

    • Bonjour Laurence, nous avons actualisé la cartographie, les enseignants d’élémentaires, des collèges et des lycées peuvent maintenant également s’y inscrire. Je vous invite à le faire afin de pouvoir contacter des enseignants et d’être contactée en retour. http://www.celinealvarez.org/carte

      Belles rencontres !

  2. SylvainR a dit:

    Bonjour,

    Je reparcours votre blog sans trouver la réponse à cette question : comment faîtes-vous pour gérer l’envie des enfants, notamment les plus petits qui ne sont pas habitués, à prendre le premier jeu venu. S’il prend un jeu qui dépasse évidemment son niveau ou simplement un jeu qui ne lui a pas été présenté, le laissez-vous jouer avant de l’aider à remettre en place ou intervenez-vous pour lui dire, respectivement, pour le premier, qu’il n’est pas pour lui ou, pour le second, que vous allez lui présenter ? J’entends bien que c’est en soi un apprentissage que d’utiliser correctement le matériel, mais j’ai du mal à voir le démarrage avec plus de 20 TPS-PS découvrant le cadre scolaire au milieu de tant d’objets mis en libre accès !

    Merci d’avance.

    • Rebonjour Sylvain, j’ai répondu à votre question dans un autre commentaire. Je vous invite à lire cet article. Mais quelle façon de fonctionner vous semblerait pertinente ? Comment vous feriez vous ?

  3. SylvainR a dit:

    Merci beaucoup pour votre travail de partage. Cela produit son effet : le choix de basculer à l’autonomie totale ne fait plus de doute pour moi. Reste que j’aurai l’an prochain une classe de TPS-PS et je me demande comment gérer au début cette mise à la vue des enfants du matériel et le fait qu’ils doivent attendre -si j’ai bien compris- qu’on leur ait présenté pour avoir le droit d’y toucher. Que font-ils en attendant s’il n’y a pas de coins-jeux,…

  4. Marie a dit:

    Bonjour, j’ai la chance de pouvoir renouveler mes tables et chaises mais je ne trouve aucune référence me semblant aussi robuste que celles de votre classe. Pourriez-vous m’indiquer quel était votre fournisseur s’il vous plaît ? Merci d’avance.

    • Bonsoir Marie, je ne saurai répondre à votre question malheureusement. Il s’agissait des meubles fournit directement à toute l’école par la mairie de Gennevilliers. Bonne fin de soirée.

  5. Marie a dit:

    Bonjour Céline,
    Pouvez-vous corriger mon erreur d’orthographe dans le commentaire précédent ou le supprimer s’il vous plaît ?
    J’ai honte d’avoir écrit un com avec des erreurs.
    Merci d’avance

    • C’est fait Marie. Pas de honte à avoir, nous en faisons tous constamment. Notre langue est un véritable casse-tête. Belle journée à vous !

  6. Phée a dit:

    Bonjour, Je m’interroge sur comment répondre à la nécessite de « bouger » des enfants en classe. Comment assurer une ambiance de classe sereine et calme, tout en permettant à certains enfants, notamment les plus jeunes, de courir, danser, sauter quand ils en ont besoin. Comment faisiez-vous à Gennevilliers? Aviez-vous un lieu à l’intérieur pour pouvoir « bouger » ou bien était-ce concentré pendant le temps de récréation? Pouvaient-ils accéder à ce lieu quand cela était nécessaire pour eux ou bien seulement tous ensemble, à un moment précis? En vous remerciant pour votre réponse, mais également pour toutes ces vidéos ou articles en ligne.

    • Chère Phée, je crois que l’espace de « la classe » tel que nous le connaissons actuellement n’est pas adapté à nos enfants. Je développe ce point dans mon livre « Les lois naturelles de l’enfant » en donnant des pistes concernant ce que nous avons fait et ce que nous aurions aimé faire si nous en avions eu la possibilité. N’hésitez pas à revenir vers moi si vous avez ensuite d’autres questions. Bel été !

  7. karine a dit:

    Céline, je viens de précommander votre livre. Il me tarde déjà sa lecture.
    Est ce que le soutien financier devra se poursuivre l’année prochaine svp?
    je vous remercie encore pour vos riches propositions.
    Bien à vous.

    • Bonjour Karine, merci pour votre message ! Pour le soutien financier, faites comme vous le souhaitez ! Belle journée !

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