TeamInitialement formée en linguistique, j’ai été frappée à l’été 2008, par l’intelligence du matériel de langage élaboré par Maria Montessori. Néanmoins, sa progression d’entrée dans la lecture et l’écriture n’avait pas été adaptée à la complexité de la langue française, ce qui empêchait les enfants francophones de lire et d’écrire spontanément. Je me suis aperçue également que les postulats scientifiques sur lesquels le Dr Montessori s’était appuyée pour fonder son approche pédagogique, n’avaient pas été traduits en langage scientifique actuel. Ces deux problèmes s’érigeaient comme une barrière considérable pour que cet héritage pédagogique se diffuse, se comprenne correctement et se poursuive. Ainsi, j’ai décidé d’adapter son travail langagier à notre langue, de traduire et renforcer son oeuvre avec l’apport des neurosciences. J’ai souhaité mener ce travail in situ, au sein de l’Education nationale. Pourquoi ? Parce que si les résultats étaient ceux que j’attendais alors il fallait qu’ils soient incontestables et visibles, pour faire prendre conscience que nous pouvons faire autrement. Je décide donc d’infiltrer la machine en passant le concours d’enseignant et me laisse trois ans au sein du système pour y ouvrir une expérimentation en Zone d’Education Prioritaire. Deux ans après, en 2011, je convaincs le Ministère de l’Education nationale, et une expérimentation scientifique démarre à Gennevilliers. Malheureusement, le changement de gouvernement qui a lieu l’année suivante nous place en grande difficulté. La nouvelle équipe ministérielle ne soutient pas le projet, l’Institution interdit les tests. Je refuse de perdre des mesures objectives des progrès des enfants et je fais tout de même passer des tests aux enfants sur le temps hors scolaire avec la complicité des parents et de psychologues. Pendant deux ans, ce combat quotidien et ce genre de désobéissance me valent burn out, recadrages institutionnels, menaces, humiliations ; je passe près de blâmes, conseils disciplinaires, et enfin, en septembre 2014, malgré le soutien scientifique de Stanislas Dehaene, on m’annonce que le matériel me sera retiré. Mais puisque j’avais atteint mon objectif des trois années d’expérimentation terrain, résultats en poche, je démissionne, satisfaite d’avoir recueilli une belle matière, que je me réjouis maintenant de partager avec vous. Voir le portrait réalisé dans Le Monde suite à ma démission.

Si j’ai tenu le coup, c’est bien évidemment grâce aux résultats des enfants, mais c’est aussi grâce au soutien quotidien et à l’investissement d’Anna Bisch. Dans le cadre de l’expérimentation, la merveilleuse Anna m’a rejoint dès la première année au sein de la classe en tant qu’assistante pédagogique. Anna est également une grande autodidacte passionnée, elle a beaucoup voyagé et a rencontré sur son parcours les travaux de Maria Montessori. Dans la classe, Anna a « joué », trois années durant, le rôle de l’ATSEM, en vue de définir les nouvelles responsabilités pédagogiques qui pourraient être apportées à ce poste essentiel. La dernière année, Anna a passé beaucoup de temps à faire des présentations aux enfants pour que je puisse les filmer et les partager avec vous. Anna et moi travaillons maintenant ensemble quotidiennement à l’écriture et à la mise en ligne des contenus. Et c’est un vrai bonheur.